Questions et objections

 "Vous avez la naïveté de croire que les différends peuvent se résoudre par le débat. Or le débat se heurte au conflit de valeurs, réputé indépassable (cf. Max Weber), aux luttes d’intérêts (cf. Marx). L’homme n’est pas dirigé par sa raison et la discussion ne mène pas à grand chose."

Si ce point de vue est juste, alors il n’y a plus grand chose non plus que le rapport de force. Il devient impossible de dépasser les positions initiales des acteurs, qui se heurtent dans un chaos qui rien ne pourra stopper. Comme le disait Eric Weil, il n’y a que la philosophie (c’est-à-dire le dépassement des positions particulières par un Bien commun ou une Vérité) ou la violence (chacun restant enfermé dans "sa" vérité).
Au-delà de cette démonstration par l’absurde, on note aussi que la position moderne ("la vérité est inaccessible" ou "n’existe pas") est dépassée par l’épistémologie. Ici il faut renvoyer à des travaux spécialisés. Popper suppose que l’on peut trancher entre idéologie pour découvrir la moins déraisonnable. Boudon a montré que les systèmes de valeurs peuvent aussi être discutés (voir par exemple Le juste et le vrai). Enfin un phare de la philosophie analytique comme Putnam a été dans le même sens (voir H. Putnam, Faits/valeurs : la fin d’un dogme, L’éclat 2002).
Si l’on considère la métaphysique, les questions touchant à l’existence - ou non - de Dieu sont à nouveau discutées en philosophie, du moins dans le champ analytique anglo-saxon (voir à ce sujet F. Guillaud, Dieu existe, éditions du Cerf 2013).

  « Promouvoir la tolérance active est beaucoup moins nécessaire que faire de l’action humanitaire, de l’écologie ou de l’action politique. »

On peut aisément reconnaître la nécessité de l’action humanitaire et écologique. Mais existe-t-il des causes indiscutablement bonnes, sans aucune ambigüité ? Même les actions humanitaires ont entraîné nombre de débats (voir à ce sujets les ouvrages de Ronny Braumann), et de plus il existe des dizaines d’ONG importantes prônant des approches parfois assez différentes, tout comme pour l’écologie. Il est donc utile, avant de plonger dans un champ, de s’informer sur ses différents acteurs, de connaître les critiques éventuelles qui leur ont été adressées et toute la complexité des situations. Pour ceux qui voudront s’engager dans des actions concrètes, le passage par une exploration préalable permettra de mieux s’informer et d’agir.

Par ailleurs, à l’époque où l’on parle de « choc des civilisations », l’idée de faire se rencontrer un peu partout des membres de communautés différentes, et de favoriser les métissages de modes de vie, les combinaisons positives et reconnues comme telles, n’est-ce pas une prévention importante de conflits ? Nous avons vu tout au long du site que la tolérance active est loin d’être un simple hobby, mais qu’elle se veut un moyen essentiel pour désamorcer les conflits, fluidifier les représentations que chacun se fait de lui et des autres, atténuer les excès de caricatures qui fusent.

En réalité, la proclamation de vagues principes de tolérance et de démocratie n’empêchera pas l’explosion sociétale. C’est par la tolérance active, volontariste, que nous espérons revivifier cet idéal des Lumières, qui sinon se transforme quelque peu en un mot creux…

  La tolérance active est un préalable à tout engagement éclairé

L’erreur de toute nos actions se résume en un processus simple à comprendre, difficile à déconstruire. La plupart du temps, nous nous laissons porter au lieu de choisir véritablement. Nous trouvons par des rencontres fortuites (ou par notre milieu) des activités, des modes de vie et des engagements qui nous plaisent. Nous les adoptons, mi-réflexion mi-goût.
Au lieu de suivre cette pente, nous devrions nous redresser et nous contraindre à aller plus loin : en cherchant ce qui heurte nos préjugés, nos croyances, en écoutant ce qui nous remet en question. Avant d’adhérer à un parti politique, qui a été voir 5 ou 6 autres partis ? Comment est-il possible de s’engager dans un parti sans s’être renseigné directement ailleurs. De même pour les religions, les activités culturelles. Nous faisons nos choix en nous contentant en général de confronter 2 ou 3 possibilités quand il en existe 50 ou 100 ! Et encore, cette confrontation est bien souvent par médias interposés. Après ça, plaignez-vous qu’on vous cache tout et qu’on vous dise rien, comme chante Dutronc ! Même dans un domaine aussi sympathique que la musique, qui a eu la curiosité d’écouter des gamelongs balinais, du chant médieval, du rock progressif, etc.?

  A quoi peut conduire la tolérance active et l’expérience du Réseau des Possibles ?

A tout ! A devenir sceptique parce qu’on a découvert que nombre de points de vue peuvent se défendre ; à devenir « beauf’ » parce que finalement on en a assez de se poser des questions ; à s’engager dans un mouvement qui nous a convaincu, après l’avoir comparé avec nombre d’autres ; à rejeter la tolérance parce qu’on croit que seule une Vérité et des Valeurs peuvent donner sens à la vie ; etc. Mais ces différentes réactions sont plutôt différentes de ce que voudrait provoquer le Réseau.
Idéalement, voici la prise de conscience et le résultat qu’il voudrait insuffler : « La multiplicité des modes de vie, des savoirs et même des croyances opposées ne constituent-elles pas la richesse de notre monde moderne ? Ni spirale de la haine entre communautés, ni ignorance mutuelle : nous allons ouvrir la possibilité d’une confrontation constructive entre les myriades d’univers sociaux. Celle-ci s’accomplira d’abord dans l’esprit de quelques hommes-réseaux, explorateurs infatigables, qui prendront le risque d’être déstabilisés et devront intégrer peu à peu les points de vue contradictoires. Ils deviendront créateurs de leur vie en choisissant en connaissance de cause, dans chaque domaine, ce qui leur convient vraiment. Ils impulseront, au niveau collectif, de petits groupes ou des événements ayant pour but de décloisonner les approches, les disciplines, qui s’intéressent aux mêmes problèmes sociaux, philosophiques, etc. Ils créeront des structures fluides, ouvertes, où différents efforts pourront se rejoindre en vue de trouver quelques éléments de vérité, et des moyens d’améliorer l’existence humaine et l’état des sociétés. »

  N’y a-t-il pas un danger que la curiosité débridée et la participation au Réseau des Possibles ne mènent à des sectes ou à des expériences malsaines ?

Avec toute démarche de curiosité grand angle, l’individu sera amené à croiser et à discuter avec des membres de sectes, de mouvements bizarres, et peut-être à tenter des expériences marginales ou malsaines. Certains pourraient ainsi se trouvés séduits par des choses peu recommandables. N’est-ce pas alors un risque d’égarement ? Effectivement, on peut le craindre. Mais la tolérance active et le Réseau des Possibles placent au centre de leur système de valeur la liberté de l’individu. Ceci veut dire que l’individu est libre de choisir ce que je peux considérer comme « le mal », « l’erreur ». La liberté n’existe qu’avec ce risque ; ne vouloir confronter les êtres qu’au seul bien, aux doctrines vraies, aux sciences établies, aux religions authentiques, etc., c’est une forme de paternalisme. Chaque Etat totalitaire a eu cette ambition de ne permettre à ses citoyens que de connaître « le Bien ». La tolérance active se fonde sur le pari – ou la croyance – que, si l’individu peut comparer différents systèmes (« mauvais » et « bons », vrais et faux, laids et beaux…), alors en général il préferera plutôt les meilleurs. Mais ceci n’est qu’un pari.
Remarquons que le pari inverse – à savoir que l’individu tend à choisir les pires systèmes, ou qu’il va indifféremment vers le mieux et vers le pire – conduit à une vision totalitaire, où une instance veuille et « oriente » les gens, leur interdit l’accès aux mauvaises choses etc.

  La tolérance active s’oppose-t-elle à l’esprit sectaire ?

Il semble que dans son essence même, la secte – qu’elle soit politique ou religieuse – dit aux gens d’approfondir et de pratiquer une seule doctrine, et de ne pas « perdre son temps » à voir ce qu’il y a ailleurs. C’est donc à l’antipode de la tolérance active. Néanmoins, il est vrai qu’un engagement peut impliquer de se concentrer et d’éviter la dispersion. La tolérance active ne s’oppose pas aux sectes, mais demande simplement à leurs membres : « Vous avez choisi telle spiritualité, telle option politique, philosophique, tel mode de vie ; avez-vous été voir les différents systèmes comparables ? Avez-vous réellement choisis ? » Si c’est le cas, la tolérance active ne peut pas critique un engagement, fut-il sectaire.

 Qui est « derrière » ce site ? Quel est son « véritable but » ?

Le créateur des articles et du Réseau des Possibles est E.J. Duits, qui donne sa biographie sur le site. Cet individu est non-appartenant par définition, puisqu’il trouve des éléments valables dans tous les courants d’idées, nombre de modes de vie, etc. Son véritable but n’est pas caché, il consiste à réunir des individus libres et critiques, peut-être pour « se tenir chaud » entre individualistes, peut-être pour tenter de réaliser certaines actions constructives…

 Ce que vous proposez, chacun peut le faire par soi-même.

Une personne curieuse peut évidemment aller voir nombre de mouvements, tenter diverses activités, s’ouvrir l’esprit par de nombreuses expériences. Mais le Réseau offre beaucoup de possibilités que n’aura pas l’individu seul : par exemple faire ses activités de découvertes avec d’autres et en discuter ensuite. Organiser des réunions sur des thèmes. Echanger des savoirs. Lancer des actions collectives. Etc.
Voir l’article Un réseau de la tolérance active, pour faire quoi ?

 « Vous voulez créer une sorte de franc-maçonnerie sans rituels. »

Il semble qu’en franc-maçonnerie les membres soient cooptés, ce qui n’est pas le cas du Réseau. On leur demande certaines qualités morales, voir d’adhérer à des principes démocratiques ; ces exigences ne sont pas non plus posées dans le Réseau. En revanche, il y a peut-être un point commun : le Réseau constitue un espace privilégié, à part de la « vie courante » du membre. Celui-ci par exemple peut être un militant chevronné et même violent hors du Réseau, mais on lui demande d’adopter un comportement conforme à l’idéal élevé et exigeant de la tolérance active au sein du Réseau. De plus ce que chacun a dit lors des activités doit rester confidentiel, pour garantir la liberté de propos et la confiance mutuelle.

  « Le Réseau n’a pas de but clair. »

C’est vrai, son seul but est de promouvoir la tolérance active. Ensuite, c’est à chaque membre de créer son propre projet, et d’utiliser le réseau pour celui-ci. Cette approche est insécure pour la plupart des gens, qui ont besoin d’une Eglise, d’un chef ou d’un papa pour leur fixer des buts. Au lieu d’utiliser les membres à ses propres fins, le Réseau se veut un outil au service des membres.
Néanmoins, le réseau propose à ceux qui le désirent de réaliser certains objectifs concrets, comme l’organisation de débats méthodiques, etc.

  Quels types de gens souhaitez-vous rassembler ?

Entre autres, voici quelques exemples : des individus qui ont du mal à s’identifier à un groupe social, une idéologie, une religion, et qui veulent créer leur « cocktail de vie » en empruntant des éléments de tous côtés… Des esprits libres, curieux, pas forcément tolérants mais persuadés qu’ils ont intérêts à savoir ce que pensent les autres, y compris leurs « adversaires » éventuels… Des personnes à la recherche d’un engagement, mais qui veulent faire leur choix (dans un domaine quelconque, que ce soit celui du mode de vie, de l’éducation de leurs enfants, de la philosophie etc.) en connaissance de cause, en ayant la possibilité de comparer de multiples options.

  Qui dirige le Réseau des Possibles ?

Pour des raisons légales, il peut y avoir un Bureau élu, mais de fait les membres sont tous égaux : chacun peut proposer les réunions et les activités qu’il souhaite ; les fonctions d’organisations (animer les réunions d’information, contacter les médias etc.) peuvent être confiées à des membres plus confirmés et mieux à même d’expliquer le Réseau. Personne ne peut empêcher une activité ou une Annonce d’être diffusée dans le Réseau, y compris si celle-ci « déplait » à la majorité des membres ou au Bureau ( dans les limites de la loi en vigueur et de l’originalité relative à voir l’article Questions internes d’organisation).
Le Bureau ni l’Assemblée générale des membres ne peuvent décider de supprimer l’article fondateur du Réseau, qui définit l’ouverture d’esprit, le droit d’expression pour toute opinion y compris ultra-minoritaire ou ultra-controversée, etc.

  Le Réseau a des points communs avec d’autres mouvements, comme les SEL (Systèmes d’Echanges Locaux), les Bistrots-Philos.

Les SEL permettent un échange de savoirs entre leurs membres. Les membres du Réseau peuvent aussi faire de tels échanges, de façon ponctuelle. Pour ceux qui veulent vraiment acquérir de nouveaux savoirs et de nouvelles compétences, les SEL seront plus adaptés que le Réseau.
Les Bistrots-Philo organisent des réunions de discussion ouvertes, dans des cafés. De fait sinon de droit, il n’est pas évident qu’un participant de Bistrot-Philo puisse émettre des opinions minoritaires et/ou mal vues dans le milieu du Bistrot-Philo. Au Réseau, un membre peut exprimer toute opinion, même choquante pour les autres membres, sans être ensuite « ostracisés » et sans pressions morales etc. Les Bistrots-Philo sont ouverts à tous, y compris des personnes problématiques qui monopolisent la parole, ce qui n’est pas le cas du Réseau. Néanmoins l’idéal de libre discussion est commun au Bistrot Philo et au Réseau, mais ce n’est qu’un des aspects du Réseau qui propose aussi des activités, expériences, etc.

  « Le Réseau existe déjà : c’est une Communauty sur le net. »

Oui, mais une communauté réunie pour promouvoir et expérimenter la « tolérance active ». Si une telle Communauté existe déjà sur la Toile, merci de nous en informer.

  « On peut discuter avec tout le monde sauf les pervers et les gens de mauvaise foi. Il ne faut pas admettre ces gens dans le Réseau car ils risquent de manipuler les autres. »

Vaste question, qui demande pour y répondre de lire l’article Peut-on discuter avec les fascistes ?

  Votre démarche est consumériste. Les réseauteurs sont des consommateurs d’expériences

Certains d’entre eux peuvent utiliser le Réseau comme un lieu où ils s’expérimentent, de façon sérieuse, voire ludique. Ainsi un membre peut proposer des réunions psychologiques, dans lesquelles il y a mise à nu émotionnel ; d’autres des échanges psychocorporels ; d’autres des happenings, improvisations théâtrales, psychodrames, voire théâtre de rue et implication des passants dans des jeux ; certains peuvent s’essayer au saut à l’élastique, à la plongée, aux arts martiaux, à l’acrobatie, à des sports extrêmes ou hors-limite (encadré par des personnes compétentes)…

Mais le Réseau ne peut se réduire à cet aspect. Si les membres peuvent obtenir une sorte d’initiation à ces activités dans le Réseau, il est évident que pour approfondir ensuite ils auront intérêt à participer à un groupe ou un cours pérenne, sans doute hors-réseau.
Il y a une exception : si un membre du réseau crée lui-même une méthode ou une technique (corporelle, psy, voire intellectuelle), et veut l’expérimenter, la « tester » dans le Réseau. Il peut alors créer un mini-groupe autour de cette technique, qui sera expérimentée au long cours par des membres.

  Il faut être riche pour vivre cette "tolérance active" et participer à un Réseau des Possibles.

Non.
Voyez l’article "Activités", vous constaterez qu’il existe nombre de choses que l’on peut faire quasi-gratuitement : explorer des lieux insolites, participer à des réunions à thèmes, découvrir des arts et des modes de vie, etc.
Dans le Réseau des Possibles, chacun propose gratuitement ce qu’il désire partager. Dans notre association, il y avait des RMIstes qui venaient et pouvaient sans problème visiter des catacombes, participer à des discussions, s’initier à des disciplines corporelles ou artistiques, etc. Toutes ces activités étant faites bénévolement, dans des locaux prêtés ou des endroits publics.

  Il faut être dans une grande ville pour créer un Réseau

Un Réseau des Possibles a fonctionné dans une ville comme Dijon (200 000 habitants et université). Les membres ont pu proposer énormément d’activités : entre eux bien sûr (soirées sur le conte, jeux psychologiques etc.), mais aussi des rencontres à l’extérieur avec des promoteurs de nouvelles pédagogies, des religieux de différentes obédiences, des artistes, des chercheurs etc., des sorties - balades nocturnes dans un forêt, chamanisme, restaurant tibétain….
Ainsi une ville de taille moyenne peut suffire, étant entendu qu’il y a déjà pas mal de choses à faire simplement entre membres.

  Il faut beaucoup de temps pour participer au Réseau.

On demande à chaque nouveau de participer à une réunion d’information. Pour le reste, il n’y a aucune obligation de participer, donc le Réseau ne prend que le temps que chaque individu a envie d’y consacrer, soit le temps nécessaire à lire les Annonces d’activités ! Bien sûr, les « accros » peuvent venir à chaque activité (ce qui peut être prenant, il y a parfois 4 activités par semaine !).
Un membre qui souhaite s’investir devra y consacrer un peu plus de temps, par exemple si il organise lui-même une activité il faudra préparer son activité ou sa sortie, prendre les appels de membres qui veulent se renseigner et s’inscrire, et être présent le jour dit. Mais rappelons qu’aucun membre n’est tenu de proposer une activité, et chacun peut se contenter de venir de temps à autres.

  « Je n’ai pas le temps à perdre, il ne faut pas parler mais agir »
« J’ai autre chose à faire, de plus important, qu’aller explorer tous azimuts. Il me faut militer, par exemple. Agir et non discuter. » Quel beau prétexte pour justifier tous les aveuglements ! Il y a un rapport étroit, sinon évident, entre le fascisme et le stalinisme de tout poil et le manque de curiosité active. Pendant plusieurs décennies, trop de personnes progressistes n’ont pas voulu s’informer ni sur les camps russes, ni sur le régime maoïste. Ils agissaient ; pourquoi perdre du temps à s’informer ? D’autant plus qu’en général, les infos gênantes se trouvaient chez « l’ennemi ».
Aujourd’hui, cette attitude est finie. Il faut revenir à un idéal politique éclairé. Affirmer que le monde peut être changé, contrairement aux croyants du Moloch économique. Mais accepter la démarche de la complexité.
Allons donc par principe voir des gens peu recommandables, des groupes « douteux » ! Et cela, non dans un état d’esprit agressif ; simplement pour les écouter, pour constater ce qu’ils sont, pour découvrir un peu de l’intérieur de nouvelles visions du monde. Je ne dis pas qu’il faille passer sa vie à cette exploration, mais en revanche ne pas y consacrer une période, surtout avant de décider un engagement, c’est rejeter toute rationalité et refuser d’agir en connaissance de cause.
En réalité, une telle démarche est évidente. Mais nous ne réussissons pas à la vivre. Elle nous offrira une liberté aérienne, mais elle risque aussi de nous plonger dans le vertige du relativisme.

  La tolérance active favorise le « relativisme »

Le relativisme est l’une des grandes tentations intellectuelles et morales, surtout dans un espace prônant l’ouverture d’esprit.
Pour être tolérant, il semble qu’il faille être en partie relativiste, et comprendre à quel point les différentes opinions sont conditionnées par le milieu de chacun, les médias etc.
En fait, chaque individu crée son point de vue à partir des données qu’il intègre, ces données étant constituées par ses expériences, son éducation, les informations déversées par les médias.
Si j’avais reçu les mêmes données qu’untel, j’aurai sans doute les mêmes opinions que lui.
Lorsqu’on a une divergence d’opinion avec quelqu’un, il faut avant tout se demander : « De quelles données dispose mon contradicteur, que j’ignore peut-être ? Et moi, quelles données ai-je, qu’il n’a pas ? »
La tolérance active conduit à une attitude qui n’a rien à voir avec la moraline, et au lieu de tomber dans les hauts cris et dans l’indignation, il s’agit d’écouter l’autre et de comprendre ce qui le conduit à soutenir une opinion - y compris lorsqu’elle nous semble "intolérable".
Le réseau est un espace pour échanger ainsi ces données souvent partielles et lutter contre la fragmentation de la culture en sous-cultures, en groupes ou en individus aux backgrounds tellement différents qu’ils ne peuvent plus s’accepter.
Une fois que l’on a pratiqué ces échanges de données, peut-être va-t-on aller au-delà du relativisme. Ici j’adhère à l’idéal du rationalisme critique de K. Popper, selon lequel une position « plus vraie » ou « moins fausse » peut émerger de la discussion critique ouverte. Ce n’est pas l’affirmation d’une vérité absolue, mais la possibilité pour les gens d’éliminer des erreurs, voire de définir des positions plus ou moins préférables grâce à l’échange d’arguments rationnels.