Dans cet article, je suppose qu’il existe un jour une "communauté" de la tolérance active (par exemple sur le net, ou sous forme d’association). Que pourrait leur apporter l’appartenance à cette communauté ? Pour cela, voyons les différents types d’activités qu’elle offrirait.
Activités entre les membres
– Pouvoir parler de sujets qui vous tiennent à cœur avec des gens ouverts d’esprit, qui sont prêts à vous écouter sans vous juger d’emblée, y compris lorsque vous vous montrez sous un jour défavorable ou fragile. Vous pouvez sans hésiter aborder les choix essentiels, la vie amoureuse, le politique, le devenir du monde etc. Pour cela chaque membre peut proposer une réunion sur le thème qui l’intéresse ou participer aux réunions proposées. On l’a vu, des sujets graves peuvent être abordés (le suicide, nos insatisfactions dans la vie, nos peurs etc.), des thèmes touchant à la conscience (les rêves…), les relations (fidélité et liberté dans le couple…), politiques (les « théories du complot », qu’est-ce qui fonde l’opposition gauche/droite ?…), mais aussi des expériences ludiques ou déstabilisantes peuvent être proposées (échanges de massages, soirée chatouille…) etc.
– Approfondir certains sujets : ici il ne s’agit plus d’une réunion ponctuelle, mais de décider de se consacrer quelques temps à l’étude plus approfondie d’un sujet. On crée alors un « mini-groupe » (ou un « special interest group »). Prenons un exemple : Pierre, Valérie et Dinh s’intéressent à la parapsychologie. Ensemble, ils iront assister à des séances de médiums, d’hypnose ; discuteront avec des responsables d’associations de recherche en parapsychologie ; écouteront, autres sons de cloche, ce que disent du paranormal illusionnistes, psychanalystes, physiciens… Chacun des minigroupes, étant très libre dans ses structures, peut devenir un "laboratoire d’expériences humaines". Pierre, Valérie et Dinh se mettront à pratiquer ensemble la télépathie ou l’illusionnisme, ils iront, en pleine nuit, voir ce qui se passe au cimetière de la ville...
– Au lieu d’aller seul voir une conférence ou un documentaire, assister à un concert, errer dans un Salon ou une manifestation, on peut proposer ces sorties comme des activités-réseau. Ainsi on fera ce que l’on avait projeté, mais on pourra ensuite partager ses impressions et ses réactions (notamment si on va voir un parti politique, un syndicat, un mouvement spirituel etc.) avec d’autres réseauteurs.
– Par définition, chaque membre du réseau appartient à des milieux différents. Il est entendu que, dans la mesure du possible, chaque réseauteur peut permettre aux autres de découvrir son propre milieu. Ainsi un réseauteur vietnamien pourra-t-il inviter les autres au Nouvel An asiatique, un réseauteur chercheur pourra-t-il faire visiter à d’autres son unité de recherche, un réseauteur musicien pourra-t-il faire découvrir un studio d’enregistrement etc.
– Chaque réseauteur pourra faire partager ses passions aux autres : l’un proposera chez lui une séance pour visionner des films de Tarkowski, l’autre fera écouter de la musique gothique, le troisième proposera une séance de sophrologie ou un apprentissage de la prestigiditation etc.
– Les réseauteurs peuvent aussi tester leurs idées : en organisant une petite conférence interne au réseau sur un sujet qu’on étudie, on peut voir les critiques suscitées, noter des objections etc. De même si un réseauteur écrit un livre, il peut en proposer quelques lectures. Le réseau peut ainsi comporter un véritable aspect de « salon littéraire » à la mode du XVIIIème siècle ! (J’ai souvent ressenti une certaine frustration en lisant des essais, car les auteurs ne traitaient pas des objections assez évidentes. Si des auteurs faisaient cette démarche-réseau avant de publier, ils entendraient nécessairement les objections-types à leurs idées).
– Enfin, le réseauteur qui cherche un engagement peut utiliser le réseau pour comparer ses choix avec d’autres options possibles. Si il se sent attiré par une religion, il pourra aussi aller voir d’autres spiritualités ; et ainsi dans tous les domaines. Ainsi son engagement futur sera fait en meilleure connaissance de cause, il aura vu les mouvements « concurrents » et saura les critiques que l’on peut adresser à son engagement personnel.
Plus pratiquement, le réseau permettra à chacun de trouver des personnes-ressources quand il s’intéresse à un sujet ou de pratiquer des échanges de savoirs grâce au système des fiches de présentation (où chaque réseauteur note ce qu’il connaît, cherche, ses compétences etc.), voire – si le réseau s’étend dans différentes contrées – d’avoir des réseauteurs à contacter quand il voyagera.
On peut objecter aux activités ci-dessus qu’elles gardent un caractère égoïste. Le but des réseauteurs n’est pas seulement de « consommer » des visions du monde, des expériences et des émotions, certains d’entre eux peuvent promouvoir la tolérance active.
Lancer des actions hors du réseau
A titre indicatif et de façon non-limitative, voici quelques pistes d’actions que pourraient impulser des réseauteurs :
– Organiser des rencontres entre groupes différents (colloques, festival, etc.)
– Réfléchir à l’ouverture d’esprit, à ses outils théoriques, à des institutions favorisant les décloisonnements. Il faudrait envisager la création d’ un véritable « Think Tank » consacré à l’ouverture d’esprit, aux débats méthodiques, à la confrontation constructive entre mouvements et milieux etc.
– Lancer des débats méthodiques (voir l’article sur ce sujet)
– Proposer de faire le tour de certains problèmes sociaux ou philosophiques : il s’agit de prendre un problème important (le chômage, la fin du pétrole, l’existence de Dieu…), d’aller voir les différents groupes qui proposent une réponse/une solution à cette question ; noter leur solution, leurs arguments, les critiques proposées à ces solutions. Ainsi un nouvel outil de la citoyenneté, sous forme d’ouvrages ou de pages Web, permettant d’avoir une vision globale de sujets importants, pourrait voir le jour.
– Les réseauteurs pourraient aussi susciter des « états généraux d’initiative populaire » sur certains grands problèmes, en vue de lister les solutions proposées et de faire émerger des mesures intéressantes.
Ces différents types d’action sont plus détaillés dans L’Homme réseau.